« Le discours sur le zéro plastique est simpliste », Gonzague Ervyn, repreneur et administrateur délégué de Varina

À la faveur de sa reprise en 2017, l’ancienne fabrique familiale Varina à Antoing est devenue une PME spécialisée en plasturgie. Elle a dès le départ embrassé l’économie circulaire en proposant des produits modulables, qui durent plus longtemps. A présent, la PME se met au défi de mettre sur le marché des produits recyclables. Pour son administrateur délégué, c’est un « chemin d’humilité ».

Plastique recyclé

Vous arrivez à concilier économie circulaire et produits issus de la pétrochimie ?

Je me suis posé la même question quand, un peu par hasard, j’ai débarqué dans ce métier, en plein « haro sur le plastique ». Je crois qu’il est important de se concentrer sur l’usage et non pas sur la solution technique : s’il s’agit d’usage unique, il paraît effectivement important de reconsidérer le recours au plastique. À contrario, si l'usage est à long terme, l’utilisation du plastique fait beaucoup plus de sens. Et cette réflexion vaut pour tous les domaines et pas simplement pour le plastique, tels que le carton, le verre, l’acier etc. Bref, le discours sur le zéro plastique est simpliste ! Et soyons honnête : le recyclage n’est pas la panacée, il vaut mieux éviter la consommation, réparer, reconditionner, réutiliser, allonger la durée d’usage, et faire en sorte qu'en fin de vie, au mieux ce soit réparable, ou qu’au pire, ce soit réutilisé comme matière première. Rien de magique ici, mais c’est mieux que le modèle économique linéaire actuel : simplement vendre un maximum pour que tout finisse à la poubelle. C’est un chemin d’humilité, car c’est moins simple qu’il n’y paraît. J’ai trouvé beaucoup de soutien au sein du cluster Plastiwin, réseau d’entreprises de plasturgie wallonnes, composé d’entreprises comme Varina qui sont sensibilisées aux enjeux actuels de raréfaction des ressources, mais aussi d’utilisation du pétrole.

Quels sont les défis du passage à l’économie circulaire, dans votre secteur ?

J’en vois trois principaux, mais la liste est loin d’être exhaustive ! Il faut d’abord la conscience de ces enjeux pour vouloir avancer : on ne peut pas y adhérer par effet de mode ni par opportunisme, ça demande de la volonté. Ensuite, l’objectif des entreprises en transition est de démontrer que l’économie circulaire est économiquement viable. En d’autres termes, le client est-il prêt à payer un peu plus cher pour les bénéfices sociétaux, comme dans l’alimentation bio ? Enfin, on s’aperçoit vite que les matières en fin de vie sont des sources difficiles à capter : ça fait partie du défi technique. Il faut réfléchir au modèle économique du client en fin de vie du produit : quel intérêt a-t-il à le trier et à le restituer ? Bref, si des solutions techniques existent pour la retransformation, un plus gros défi est de créer un flux de matières premières.

Gonzague Ervyn
Gonzague Ervyn, repreneur et administrateur délégué de Varina

Les pouvoirs publics jouent-ils leur rôle ?

Pour l’instant, toutes les démarches de la Région wallonne sont volontaristes car les retombées économiques ne sont pas encore visibles. La Région pousse à l’action et c'est positif car ça permet d'identifier les modèles qui tiennent la route. C'est constructif car les pouvoirs publics jouent leur rôle de planificateur.

Qu’est-ce qui manque pour que ça bouge encore plus ?

Si on veut faire évoluer le monde économique sur un pied d’égalité, il faut renforcer les règles. Car ce sont les normes qui stimulent les avancées, les solutions techniques. Pour vendre une pièce en plastique en Europe, il faudrait qu’on puisse démontrer qu’on assure la réparation en fin de vie, qu’on peut gérer les déchets, etc. Nous travaillons pour les pouvoirs publics, mais aujourd’hui je ne vois pas encore de cahier des charges qui mette une cote sur la gestion des déchets, le recyclage, la circularité, l’utilisation des matières, ce qu’on fait pour réduire notre consommation de CO2 dans la conception des produits. Quand ce sera le cas, les entreprises s'adapteront. Et on fera vite la différence entre les vraies actions et le greenwashing.

En tout cas, la Région wallonne vous soutient. Pouvez-vous nous expliquer votre projet ?

Au départ, nous fabriquons tous les accessoires des arrêts de bus des TEC. Ces produits ont déjà une longue durée de vie (15 ans). Ils sont souvent nettoyés plutôt que remplacés mais quand ils cassent ou qu'on démonte les lignes, ils sont jetés. Or, c'est une matière avec un potentiel de recyclage. Le projet est de récupérer ces objets en fin de vie, puis de recréer de la matière première avec pour en fabriquer d’autres. Certes, nous n’arriverons pas à en recycler 100%, mais si on diminue de 70% la matière vierge, c'est toujours ça de moins de matière issue du pétrole. Le principe est d’éviter le plus possible le downcycling (« décyclage » en français) en réutilisant la matière des produits en fin de vie sans lui faire perdre en qualité, c’est-à-dire en valorisant au maximum ce qu’ils contiennent déjà (énergie utilisée pour les fabriquer, innovation, design, forme, structure, etc.).

Recyclage de panneaux TEC
Varina récupère des vieux panneaux TEC pour pour en refabriquer d’autres.

Qu’est-ce que le subside vous permet de faire ?

La logistique à mettre en place pour capter cette source de matière première est simple, car les produits en fin de vie sont en Wallonie. L’aide économique de la Région nous permet d’investir dans l’étude de différentes possibilités de traiter la matière avec le minimum d'étapes possible (broyage, séparation des impuretés). Grâce à ce projet, Varina va acquérir de l’expérience et des compétences pour s'ouvrir des opportunités et proposer de nouveaux produits et services à ses clients. Nous envisageons par exemple de nous orienter vers l’économie de la fonctionnalité, en louant nos produits de signalisation plutôt que de les vendre, afin de mettre l’accent sur le prix du service rendu par nos produits plutôt que sur leur prix d’achat.

Vous êtes optimiste ?

Si je garde une telle activité industrielle qui crée de l’emploi en Wallonie, alors je dois le faire le plus correctement possible. Ce n’est pas parfait, mais faire un petit pas est à la portée de tout le monde, il y a toujours moyen de faire des choses. Ça demande des efforts, de la conscientisation et de la mise en mouvement, même si le premier pas est toujours difficile. Réduire ses coûts pour obtenir un modèle économique viable implique la complexification de la gestion des achats, mais le coût finit par stimuler l’action. Avec l'augmentation des prix des matières premières et des emballages, les entreprises sont motivées pour faire des économies : les gens sont plus inventifs, ils trouvent de l’espace, des moyens de stockage… et prennent le temps de réfléchir. En fait, pour que ça bouge, il faut juste mettre en place des incitations pour lutter contre l’inertie qui empêche d’agir.

 

Jusque début janvier, Circular Wallonia vous présente chaque semaine des entrepreneur.e.s qui ont franchi le cap de la circularité. Vous aussi, faites perdurez votre entreprise ! Choisissez l’économie circulaire et réduisez votre consommation en énergie et en matières premières. Faites-vous soutenir dans votre transition circulaire !

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