Remanufacturer, c’est refabriquer du neuf

La ‘remanufacture’ ou remanufacturing est en train de conquérir ses lettres de noblesse à la faveur de l’avènement de l’économie circulaire. Elle ne date pourtant pas d’hier, mais aujourd’hui les planètes s’alignent : modèles économiques gagnant-gagnant, création d’emploi et économie des ressources qui lui confèrent une place de choix dans les stratégies de transition durable.

Personne qui travaille le métal

Commençons par le commencement : qu’est-ce que la remanufacture ? C’est littéralement la « refabrication » d’un appareil neuf à partir des pièces d’un appareil usagé.

Un véritable processus industriel

Le processus comprend cinq étapes accompagnées, en toile de fond, d’une évaluation constante de la qualité – les derniers tests étant cruciaux pour l’assurance-qualité précédant la mise sur le marché. Après une évaluation initiale de l’état de l’appareil ou du produit, celui-ci est désassemblé. Au passage, plus le design est pensé pour cela au départ, plus cette étape sera facile. Puis il est nettoyé et ses composants sont triés. Ceux qui le nécessitent sont reconditionnés ou remplacés. Enfin, l’appareil ou le produit est réassemblé et vérifié.

Ça a l’air simple, mais c’est en fait un processus industriel complexe ! Au-delà du défi technologique, il nécessite des volumes importants pour rentabiliser l’investissement dans des chaînes de démontage et de montage, dans les appareils de tests, et dans la main d’œuvre.

De nombreux produits et appareils

Si on peut difficilement concevoir de la remanufacture pour des produits textiles, certains secteurs sont particulièrement propices à cela : des produits à forte valeur résiduelle mais à évolution technologique lente.

Dans la liste des secteurs concernés, la Wallonie a certainement une carte à jouer : aéronautique, automobile, appareils électriques et électroniques, équipement et meubles de bureau, équipements lourds hors construction routière, machines et robots (pompes, machines-outils, énergie, agro-alimentaire, distributeurs automatiques, etc.), industrie marine, équipement médical, industrie ferroviaire. La liste n’est pas exhaustive.

À Mons, par exemple, la filiale belge de l’équipementier japonais AISIN, remanufacture des boîtes de vitesse.

Personne qui travaille le métal

Évoluer dans un écosystème

« Le potentiel est là, mais c’est un terrain inconnu et difficile pour de nombreuses entreprises », constate Patrick Van den Bossche, Lead sustainability à la fédération belge des entreprises technologiques (Agoria). « Vous ne devez pas tout faire vous-même, mais chercher des partenaires. Il faut travailler en écosystème et avoir une approche multidisciplinaire », conseille-t-il.

La logistique est un véritable défi, car pour pouvoir les remanufacturer, il faut obtenir un retour des produits en fin de vie. Dans la vente classique, ils disparaissent. Il faut donc repenser la chaîne de valeur et conserver ou établir un lien avec le client final. L’économie de la fonctionnalité, où le fabricant conserve la propriété du produit et ne fait que vendre un service, offre des synergies possibles.

Économiser des matières fait du sens

La remanufacture est un « géant vert » encore trop souvent ignoré. Elle permet d’économiser en moyenne 85% de l’énergie mise dans un produit, qui disparaîtrait si on le recyclait en matière premières. Elle ne prolonge pas son cycle de vie mais en démarre un nouveau.

Elle crée de l’emploi : même s’il est possible de robotiser certains processus, comme pour les téléphones mobiles, il faut trois à cinq fois plus de personnel que pour fabriquer des produits neufs.

Et c’est malgré tout rentable ! « On consacre la plupart de l’attention sur la main-d’œuvre, mais si on fait la même chose sur la matière, le gain est incroyable et on devient vraiment concurrentiel à l’export », s’enthousiasme P. Van den Bossche. Le même produit « comme neuf » (voire amélioré) sera finalement refabriqué à un coût de matières réduit. Car on conserve la valeur ajoutée qui est déjà dans le produit, ce qui compense potentiellement le coût supplémentaire de main d’œuvre. « Et n’ayez pas peur : assez souvent il y a un tout autre marché pour les produits remanufacturés, qui ne cannibalise pas celui des produits neufs », rassure-t-il.